Annexes

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« …C’est quelque chose d’étrange à la vue que cette vaste plaine qui a ses mirages et ses ouragans comme le désert : c’est là que ce bon mistral,  a établi sa résidence. Comme rien ne s’oppose à ses rafales, il s’y déploie dans toute sa majesté ; aussi, à ses premières haleines, troupeaux, chiens et bergers, qui connaissent leur ennemi, se hâtent-ils de se rapprocher, de se serrer les uns contre les autres, et d’opposer une masse compacte à toutes les attaques. Alors le mistral gémit, siffle, rugit, éclate ; tantôt il parcourt la Crau sous la forme d’un tourbillon, et alors les pierres s’élèvent en tournoyant comme une trombe ; tantôt il s’élance en rafales étroites, et alors il chasse les pierres devant lui comme des feuilles ; tantôt enfin il rase la terre comme une vaste herse de bronze, et alors, s’il trouve isolés moutons, bergers ou cabane, il les emporte, les roule, les meurtrit, les brise, les anéantit : on dirait que, dans sa course, il les dévore, car on ne retrouve pas même, lorsqu’il est rentré dans ses montagnes, les débris des choses que sa colère a enveloppées en passant dans les plis de son terrible manteau.
Aussi, chez les anciens, le mistral passait-il pour un Dieu, et Sénèque, qui en énumère les salutaires influences, raconte-t-il qu’Auguste lui éleva un temple.
Au reste, il était pour le moment sans doute retiré dans ses cavernes du mont Ventoux, car nous traversâmes toute la Crau sans en entendre parler. »

Alexandre Dumas, Voyage dans le midi de la France